mercredi, août 09, 2006

France terre d'asile



Marseille porte digne sa misère, cet été.

La belle ville voit la réapparition sourde des petits métiers : les ferrailleurs qui se baladent avec une poussette d'enfant d'une poubelle à l'autre, les gamins qui parcourent le marché de la Plaine avec une caisse remplie de canettes : "Fraiches, canettes fraiches !". Un clochard s'est fait virer des abords du Vélodrome en juin dernier parce qu'il guidait les supporters qui cherchaient une place de parking vers un parking privé - contre pourboire. J'avais déjà vu ce réseau système D une fois. C'était à Malaga, au fin fond de l'Espagne. Marque de misère.

Sarkozy est en recherche de fond pour un plan banlieue. Selon le principe des vases recommunicants, c'est donc du social que s'écoulent les fonds du nouveau plan social. Dans le coin, cela donne concrètement une belle coupe dans les budgets autour des demandeurs d'asile. L'adolescent qui mendie devant la porte de la boulangerie. Le petit vieux avec la poussette pré-citée. Le marchand noir de lunettes noires avec l'accent rigolo.

Le savez-vous? Quand on demande l'asile en France, par exemple parce qu'on est jugé - quand on est jugé - indésirable, nuisible ou anormal dans son propre pays, la procédure comporte quelques subtilités inattendues.
Le monde est en effet coupé en deux, selon L'Office des étrangers (on dit l'OFPRA). Il se partage entre pays jugés "sûrs" et "pas sûrs". Déstabilisation politique, persécutions religieuses, sexuelles et autres : les critères sont divers. Le Nigeria n'est pas sûr ; le Niger l'est. A priori, un pays qui passe pour respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales est jugé sûr.

Une liste est ainsi établie - avec une transparence discutable - par les instances de l'OFPRA, remodelable selon l'actualité. On a basculé il y a quelques temps la Bosnie-Herzégovine et l'Ukraine dans les pays sûrs, par exemple. Le procédé et sa saine évidence permettent de se repérer plus rapidement face à la pertinence d'une demande d'asile : quelqu'un qui vient d'un pays sûr est sûrement un menteur. Du coup, les demandes d'asile émanant de ressortissants de pays sûrs sont traitées beaucoup plus vite. Ils sont un peu de passage, ces gens-là. Z'ont pas vraiment de raison. Tout va bien chez eux.



La célérité du traitement de leurs dossiers pourrait leur rendre service, si elle n'était assortie de quelques restrictions environnantes. Ces braves affabulateurs n'ont ainsi pas droit au logement de dépannage - selon l'antienne : chacun ses SDF. Pour être plus précis, disons que les associations et organismes susceptibles de refiler un toit pour la nuit n'ont pas de budget pour ces gens-là. Il faut remplir français, Madame. Du coup, certains squattent. Au nom de leur sécurité et de la paix du voisinage, ils se font naturellement virer régulièrement. Sur Marseille, ça donné un mix : charge de CRS, éjection des tentes et abris, destruction du matériel au Bulldozer. On craint la renaissance des bidonvilles pour 2007. Pandémie de la tôle et du plastique.

De même, le restaurant social qui filaient des paniers repas dans mon quartier s'est fait récemment couper les budgets versés pour les demanders d'asile. Mangeront autre chose, mangeront ailleurs, mangeront pas. Vous me direz, la France est bien faite ; il y a des oeuvres caritatives (c'est-à-dire du privé qui remplace l'Etat quand l'Etat fait pas son job) du genre Resto du coeur et Secours catholique. Il y a l'aide des communautés. Merci la charité.



Une dernière pour la route : ces zigues qui dorment pas, qui ne mangent plus et qui rêvent néanmoins de devenir français pour subsister encore un bout, ceux-là n'ont naturellement pas de permis de travail. Ce ne sont pas les plombiers polonais payés en France au salaire de Pologne. Ce sont les travailleurs au black qui se parquent matin au rond-point de la porte d'Aix dans l'espoir d'une embauche à 10 à 40€ pour la journée. Nombre de chantiers marseillais s'y fournissent en main d'oeuvre.

Y en a même qui vendent des lunettes et des éventails.

Maitre Eolas avait balancé une belle bordée sur le sujet. Prenez le temps de le lire, c'est pittoresque. La demande d'asile vue de l'avocat.

Pour le quart d'heure zic, je vous refile aujourd'hui deux belles adresses dédiées à François Béranger, un vieil anar magnifique, qui a eu son heure de gloire dans les années 70/80 et chez qui Renaud a pas mal emprunté. Vous trouverez dessus le morceau Mamadou, qui n'est pas fait pour être écouté septante fois, mais juste une seule, la bonne. Essayez Tranche de vie, aussi.