dimanche, avril 09, 2006

les belles âmes

Me myself and the music soulevait dernièrement une petite question d'actualité relative : la tendance parfois pénible, qui se fait jour ces derniers temps, à lier la relecture des oeuvres littéraires au regard moralisateur porté sur la biographie de leur auteur. Cela me rappelle une note récente d'Assouline sur les critiques, joliment intitulée : Corneille en chemise noire. Le propos est le même ; on parlait style, on cause aujourd'hui conduite honteuse - allant parfois jusqu'à remettre en cause la valeur des oeuvres.



On songe au mot prêté à Mozart dans Amadeus : si ma personne est parfois vulgaire, ma musique, elle, ne l'est jamais. La réponse ne va pourtant pas de soi. Que pense-t-on aujourd'hui de Noir désir ? Peut-on encore les écouter sans arrière-pensée ?

Selon ces blogs, cette confusion malheureuse semble trouver fréquemment une origine dans le décalage de moeurs entre l'époque des dits artistes et la nôtre - par exemple, au sujet de la traite des noirs. L'idée me parait belle, mais elle reste cependant évasive. Les mauvaises manières des artistes passés leur portaient déjà misère autrefois. Songez au Caravage assassin, aux petites lâchetés de Rodin devant Claudel, aux Provinciales méprisantes de Pascal. De même, les moeurs infâmes de nos écrivains contemporains, lorsqu'elles sont percées à jour, demeurent tout autant, sinon répréhensibles, pour le moins vitupérées. On méprise souvent le Céline antisémite en 2006, nombre d'écrivains ne l'estimaient pas davantage - et pour cette même raison - dès 1937. Le décalage des époques n'apporte souvent rien de plus. Les sales types demeurent, sous l'oeuvre.



Pour moi, le souci vient plutôt du fait que l'on attend toujours le grand homme sous le créateur. C'est un malentendu et peut-être même une erreur profonde.

Le problème remonte en fait à Platon, si ça se trouve : selon lui, les âmes font le bien par connaissance du Bien et du Vrai - le mal étant synonyme de méconnaissance, plutôt que de mauvaiseté. Déduction évidente : seules les grandes et belles âmes paraissent aptes à nous guider justement. Dès lors apparait l'exigence d'une moralité de l'acteur, sous la morale de l'acte. Disons-le autrement : les actions ne suffisent pas. C'est une association du même type qui nous pousse à juger l'auteur en deçà de l'oeuvre, pour finalement jauger celle-ci.

Ce qui me fait penser à l'idiot de la famille du père Sartre, consacré à Flaubert. Très curieux livre. Jetez-y un coup d'oeil : la quête de l'homme y est passionnante. Et ne ratez pas non plus samedi soir "les amants du Flore" sur la 3, qui parait également très prometteur.



Quitte à finir n'importe où, je vous abandonne avec un brin de Fairuz (prononcer fairouz), une chanteuse libanaise dont j'ai récemment retrouvé un album traditionnel à pleurer. Elle a une discographie plutôt conséquente, où se mêlent chants traditionnels et reprises disco. Commencez par pour voir.

12 Comments:

Blogger soleilpremier said...

pour répondre trés vite en passant (mais j'y reviendrai ultérieurement quand j'aurai plus de temps) à ton post disons que je suis ni pour ni contre (ces artistes et ces hommes).Ni pour ni contre . Bien au contraire!!!

biz

9:23 PM  
Blogger Eric Aussudre said...

J'ai beau séparer nettement l'oeuvre de l'artiste, je n'ai pas pour autant complétement résolu le paradoxe dont tu parles. En effet, je ne peux m'empêcher de dévorer les biographies des personnalités que j'apprécie. Et, j'avoue, parfois, certains travers contribuent à renforcer ma fascination ( je me garderai bien de dire lesquels ).

8:06 AM  
Blogger Berlin Belleville said...

Je suis assez d´accord sur le fait que la personnalité n´a rien avoir avec l´oeuvre. J´aime beaucoup Sartre, mais son theatre engagé est assez chiant, je préfère la poesie de Aragon à ses "Communistes" (qui en 1949 relève plus du feuilleton journalistique que du roman). Pour la reception d´un prix littéraire avant guerre Céline dit "c´est la victoire de la création sur les idée...". Malgré des opinions politiques aux antipodes, j´aime Céline ou Shoendorfer...Et malgré tout j´écoute encore Noir désir, mais dans ce cas peut etre ne s´agit-il que d´une histoire "d´ecorchés vifs..."

12:04 PM  
Blogger soleilpremier said...

j'aime bien l'idée et la référence d"écorchés vifs" de berlin belleville.De plus apparement fan d'Aragon et je suis assez d'accord (quoique!!!) sur le théatre de Popaul

biz

1:50 PM  
Blogger totagata said...

Berlin - soleil : le fond de mon propos était que bien souvent la bonne littérature semble se composer à l'aide de mensonges - et même, pour être tout à fait précis, du retrait de la biographie de l'auteur hors de ses lignes. Abandon, invention, renaissance. Aragon idéalisant Elsa est bien meilleur que le scribe du "monde réel"; Aurélien plait quand il s'échappe du triste carcan du roman à clefs.

Sonic : les travers de l'homme a nous le rendent plus vivant, plus proche, il n'y a aucun doute. Mais les critiques littéraires ne devraient JAMAIS avoir connaissance de ces derniers. Quel serait l'intérêt littéraire d'une biographie d'Homère dans laquelle l'on apprendrait son alcoolisme ou sa peur du noir ? Le texte est fait pour être lu à nu, point.
Fait penser à ces quelques artistes contemporains dont les oeuvres demeurent incompréhensibles, si l'on leur ôte par malheur la note conceptuelle.

2:42 PM  
Blogger soleilpremier said...

bon en fait ce que je voulais dire c'est que certaines biographies (genre trés peu couru au XIXeme et XXeme siecle) prend un essort considérable de nos jours et même si cela peut être un effet de mode je pense trés sincèrement que quand une biographie reste objective( ce qui est rare je le concède)elle permet une bonne compréhension de l'auteur (et de l'homme ou la femme concerné)ou en tout cas sa vulgarisation. Je parle de toute forme de biographie (livres, films...) mais je n'ai pas le temps d'en faire la liste pour le momment. Si cela intéresse quelqu'un ou quelque uns promis je m'y plonge pour vous fournir une liste (non exhaustive bien sûr)

biz

1:48 PM  
Blogger totagata said...

Soleil : jette un coup d'oeil au livre "Le bavard" de Louis-René Des Forêts. Le bouquin est aérien, oppressant, en mouvement perpétuel. Or l'auteur est cloué dans un plumard, dans une piaule de Carcassonne. A vie. Il invente ses histoires de vie rêvée, à partir des tableaux de sa piaule et des visites qu'on lui fait. 100% autre à lui-même. CQFD. (c'est profond, on dirait du Blanchot). Va voir, dis-moi.

8:34 AM  
Blogger L'Anonyme de Chateau Rouge said...

Bon bah Berlin-Belleville a trés bien illustré mes pensées. (il y a même ajouté des mots que je ne connaissais point).
Ah oui, pas lu les "Communistes" d'Aragon. Est ce un drame?

11:54 AM  
Blogger soleilpremier said...

totagata (tsoin!!!tsoin!!!)le bouquin en question parle de la vie de Joé BOUSQUET (grand poète d'ailleurs) donc bon je vois pas trop le rapport avec le sujet initiale du post
anonyme du chaperon rouge (je plaisante!!!) ce n'est vraiment pas un drame de n'avoir pas lu "les communistes" d'ARAGON mais par contre ne pas avoir lu "LE ROMAN INACHEVE" commence à l'être

biz à tous

1:51 PM  
Blogger Berlin Belleville said...

Les "Communistes" est assez interessant comme je l´ai dit pour son caractère de feuilleton. Aragon y décrit comme il sait si bien le faire une société dans son ensmble. Il a selon moi très bien compris la bourgeoisie de l´époque (comme il le fait dans "Aurélien" auquel il fait souvent référence). Pour ce qui est du mon dit "communiste" il le comprend un peu moins bien, à mon avis...
Mais en soit ca reste un roman moyen.

3:47 PM  
Anonymous Anonyme said...

Si je veux vous envoyer un email, à quelle adresse dois-je le faire ?
la mienne est dieusansreligions@yahoo.fr

4:52 PM  
Blogger soleilpremier said...

ulrich stakov - pour moi oui ainsi que Céline (et hélas tant d'autres)

1:30 PM  

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