Du véridique en littérature
Reprise de souffle... J'aime beaucoup le projet posé par M'sieur l'Imposture de faire inspiré, plutôt que sincère, honnête ou même transparent dans ses post. Me rappelle Gide, qui affirmait, non sans une certaine acidité, que l'on ne faisait pas de la littérature avec de bons sentiments.
La vérité est en effet régulièrement réduite à une sotte question d'opportunité ou de coïncidences, de limite aussi - considérée en fait comme le parent pauvre de la réalité. C'est le charme des dandys et des symbolistes. C'est l'apanage des naïfs. De fait, en littérature, la sincérité est une question de style et uniquement de style. Il y a un passage magnifique dans Enfance de Sarraute, où elle confie avoir pressenti dans un même élan, non seulement l'incroyable potentiel que le sujet d'une rédaction lui accordait, mais encore l'indifférence totale à la véracité du récit que la réussite même du sujet appelait. Confier ceci dans une autobiographie est charmant. Le père Rousseau doit encore s'en retourner dans ses fougères.
Il est toujours amusant à ce propos de constater que les quelques lycéens que j'ai été amené à croiser, toutes moralités confondues, ont toujours connu le même sentiment de trahison lors de la découverte de cette reconstruction du réel par l'auteur, re-création pourtant substituée à grand peine au monde quotidien. Le travail de l'écrivain, la collecte minutieuse des indices du "faire-vrai", bref la littérature dans son oeuvre leur apparait sitôt comme une mauvaiseté, un crime, un attentat ; un peu comme le labeur mal-intentionné d'un journaliste dévoyé. Quant à l'autofiction, n'en parlons pas. Notez que cela ne dure pas. La stupeur une fois passée, le pacte autobiographique entre le lecteur et l'auteur est présenté dans leurs dissertations et commentaires comme une basse ruse, au mieux la marque d'une candeur aveugle. Le genre biographique devient à leurs yeux un mensonge, comme le reste. Tout passe.
On sait depuis Socrate que les artistes ne nous racontent en général ce que nous pouvons entendre, s'arrêtant souvent pour cela aux seules apparences. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on a exigé si longtemps de l'art qu'il réponde à des codes précis, permettant de le reconnaitre effectivement comme tel et de le distinguer au passage du simulacre. Dans notre belle société médiatique, le journalisme a ceci de particulier qu'il superpose la réalité et sa retranscription. Mieux, c'est cette même transcription qui conditionnera au final notre rapport au réel. Que sais-je en réalité - par moi-même - du délabrement des pyramides, de la politique vénézuélienne ou de la grossesse d'Angelina Jolie?
Suivant ce raisonnement, le journalisme serait aujourd'hui la part invisible de l'art littéraire, visant à raconter les choses du réel tout en se substituant pour partie à elles, par opposition à la littérature dont ce ne serait en fait guère le sujet. Comme quoi les journalistes trompent mieux que les écrivains - tout ça pour ça.
Pour finir en beauté, un morceau magnifique, propre à démarrer toute journée digne de ce nom : Billie Holiday interprétant All Of me. Vous m'en direz des nouvelles.
La vérité est en effet régulièrement réduite à une sotte question d'opportunité ou de coïncidences, de limite aussi - considérée en fait comme le parent pauvre de la réalité. C'est le charme des dandys et des symbolistes. C'est l'apanage des naïfs. De fait, en littérature, la sincérité est une question de style et uniquement de style. Il y a un passage magnifique dans Enfance de Sarraute, où elle confie avoir pressenti dans un même élan, non seulement l'incroyable potentiel que le sujet d'une rédaction lui accordait, mais encore l'indifférence totale à la véracité du récit que la réussite même du sujet appelait. Confier ceci dans une autobiographie est charmant. Le père Rousseau doit encore s'en retourner dans ses fougères.
Il est toujours amusant à ce propos de constater que les quelques lycéens que j'ai été amené à croiser, toutes moralités confondues, ont toujours connu le même sentiment de trahison lors de la découverte de cette reconstruction du réel par l'auteur, re-création pourtant substituée à grand peine au monde quotidien. Le travail de l'écrivain, la collecte minutieuse des indices du "faire-vrai", bref la littérature dans son oeuvre leur apparait sitôt comme une mauvaiseté, un crime, un attentat ; un peu comme le labeur mal-intentionné d'un journaliste dévoyé. Quant à l'autofiction, n'en parlons pas. Notez que cela ne dure pas. La stupeur une fois passée, le pacte autobiographique entre le lecteur et l'auteur est présenté dans leurs dissertations et commentaires comme une basse ruse, au mieux la marque d'une candeur aveugle. Le genre biographique devient à leurs yeux un mensonge, comme le reste. Tout passe.
On sait depuis Socrate que les artistes ne nous racontent en général ce que nous pouvons entendre, s'arrêtant souvent pour cela aux seules apparences. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on a exigé si longtemps de l'art qu'il réponde à des codes précis, permettant de le reconnaitre effectivement comme tel et de le distinguer au passage du simulacre. Dans notre belle société médiatique, le journalisme a ceci de particulier qu'il superpose la réalité et sa retranscription. Mieux, c'est cette même transcription qui conditionnera au final notre rapport au réel. Que sais-je en réalité - par moi-même - du délabrement des pyramides, de la politique vénézuélienne ou de la grossesse d'Angelina Jolie?
Suivant ce raisonnement, le journalisme serait aujourd'hui la part invisible de l'art littéraire, visant à raconter les choses du réel tout en se substituant pour partie à elles, par opposition à la littérature dont ce ne serait en fait guère le sujet. Comme quoi les journalistes trompent mieux que les écrivains - tout ça pour ça.
Pour finir en beauté, un morceau magnifique, propre à démarrer toute journée digne de ce nom : Billie Holiday interprétant All Of me. Vous m'en direz des nouvelles.
1 Comments:
hum!!!certes!!!certes!!! touche pas à angelina car c'est ma soeur (née le 4 juin 1975,tout comme moi)
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