mardi, novembre 29, 2005

La grande Monique



Des ogres reprenant le père Renaud, qui lui-même s'était fendu en 1980, bien avant son Brassens, d'un album de reprises bien foutues... La chanson réaliste a connu ces dernières années un retour assez inattendu, vêtue d'accordéon nu-tendance et de guitare tzigane. Elle semblait pourtant bien morte et enterrée, la pauvre enfant. Les chansons déchirantes d'Edith Piaf étaient reprises en choeur par la Star'Ac, vidées de toutes leurs larmes à grands renforts de projecteurs et de chorégraphies kameloualiennes. Damia et Fréhel ne s'échangeaient plus que sous le manteau, murmurant pour les initiés. Paris crevait de lumière et de superficialité. Inattendu, qu'on vous dit.

On pourrait être tenté de trouver l'apothéose publicitaire de ce retour en grâce dans l'album de reprises de Bruel. On aurait tort : ce dernier se consacre non à la chanson réaliste, mais à la variété de l'entre-deux guerres, dont la candeur et l'insouciance nous paraissent aujourd'hui bien étranges quand on songe au contexte politique d'alors. Je vous en ai déjà touché un mot Dieu sait où : vous avez une très belle collection des originaux de ces titres chez M'sieur Galmel et ses lumières. C'est un peu comme poser un disque de Stone et Charden à côté d'une intégrale Béranger. Notez que le contraste a son charme.



Le truc, c'est que ce revival a laissé de côté un pur morceau de voix, qui fit les beaux jours des cabarets Rive gauche en habillant toute la poésie de l'époque. Monique Morelli chanta en effet Villon, Leopardi et Ronsard comme personne. Elle cassa un brin du Mac Orlan et de l'Aragon (de mon goût, avec moins de bonheur que Ferré, mais bon... c'était Ferré). J'avais croisé il y a longtemps un page sur elle, faite par son fils, mais google version 2005 n'a pas su me la retrouver, fût-ce en cache. Petite biographie, petits souvenirs... Elle méritait cependant un bel hommage : sa voix forte avait porté les textes les plus difficiles avec une intelligence magnifique, faisant revivre avec passion les peurs de François et la beauté des roses de Ronsard.



De cette grande dame, que vous apercevez ci-dessus avec du beau linge, je vous refile en contrebande la Ballade du concours de Blois, la première chanson que j'ai entendu d'elle et celle qui m'a le plus marqué. La folie est là ; vous m'en direz des nouvelles.

Si vous mordez au fruit étrange, le panier vous attendra peut-être un jour dans ce coin.