samedi, juin 10, 2006

L'autrichienne



1793.
Tandis que Marie-Antoinette poireaute à la prison du temple, la grande révolution s'étouffe doucement dans les querelles entre Girondins et brissotins, Plaine et Montagne. Petite géographie de l'échiquier national. Louis XVI est mort, enterré au fond d'une campagne proche, auprès des cadavres de gardes suisses tombés lors de la prise des Tuileries. Du coup, 200.000 prussiens sont aux frontières. Après Valmy, Dumouriez, le général français, vise à remporter de nouveau une grande victoire pour monter en force à la capitale rétablir une monarchie parlementaire. La Vendée catholique qui s'allume. La Marseillaise, dont chaque mot a une urgence, retentit sur les champs de bataille. Danton se démène, brutal, magnifique, sanguin. La patrie est aux abois, ce printemps.

Déjà, on oublie 89 et l'euphorie de la salle du Jeu de Paume. Dans son ombre, l'année 1793, entachée de terreur, convaincue de régicide. Paris même patauge encore dans le sang. Septembre est passé par là. Marat appelle à l'assassinat dans sa feuille de chou contre les députés brissotins trop modérés, qu'il accuse d'être traîtres à la patrie ; à l'émeute, contre la Convention, qu'il juge par trop timorée ; au pillage, contre les possédants, les accapareurs. A bas l'ennemi intérieur ! L'exécutif à genoux entraine la création d'un certain comité de salut public - histoire de parer au plus pressé. Caisse noire. Toute autorité. Valable un mois, a priori. Dedans, Robespierre aîné. Pas loin, Saint-Just.



Pour eux, seules comptent la Vertu et la patrie. Rousseau est passé par là. Son contrat social doit traîner sur leur chevet depuis toujours. Z'ont l'orgueil des purs, d'ailleurs : ils jugent le but plutôt que le moyen. La terreur n'est pas loin. C'est le règne des valeurs révolutionnaires. On se tutoie en s'appelant citoyen. Carmagnole. Cocarde. Combat des couleurs.



Je n'ai pas vu le film de Coppola sorti sur la reine. Peur d'un trop-plein de fiction au sortir de la grande Histoire. Préféré bouquiner le cycle "La révolution" du dénommé Margerit, Robert. Un roman-fleuve sorti dans les années 60 et réédité chez Phébus en petits morceaux (4 volumes, quand même !). Ecriture balzacienne par certains bouts. Les trois héros, un avocat de province monté en députation du Tiers état, sa nénette et un commercant de Limoges embarqué dans les troupes de volontaires de 91 servent de fil rouge à l'histoire. Au final, ça tue. Le genre de bouquin dont on se demande comment il a pu passer à travers les filets de la postérité. Un genre de grand oeuvre, tout simplement : le meilleur bouquin sur la révolution, point.

Ces temps-ci j'écoute en boucle une compil de hip hop, dégotté côté Melomaniac. Le morceau de Kery James planqué en plein milieu est magnifique - arrangements de tueurs et texte à pleurer. Y figure aussi le titre Demain c'est loin de IAM que je crois vous avoir balancé il y a quelques mois. A découvrir donc presto !
Merci Tibolano.