jeudi, octobre 19, 2006

retour de vacances



Quelques semaines chargées à blanc.

Petit saut chez les belges. Soirée flamande, nocturne doré, la zwanze et toutim.
Petit saut à Paris, ville-lumière. Resto MK2, Musée Rodin, Canal Saint-Martin, que je ne connaissais d'ailleurs pas encore, le Marais dans tous les sens. Les quais, les quais de l'ïle Saint-Louis et ceux de la petite berge.
Petite rentrée perso, enfin. La subjectivité transcendantale façon Kant, les petites férocités de La Bruyère et quatre physiologistes du XIXème au menu. On dirait octobre. On dirait novembre.

Sauté du lit, à peine le temps de reprendre le cartable. Et déjà la fringale de papier qui me reprend. L'envie de rien foutre, aussi. De bouquiner au fond du bistrot sur un banc de bois. J'ai d'ailleurs fait ma récolte pour la semaine.

Ces temps-ci, c'est Homo, sous-titré une histoire plurielle d'un genre très singulier, un bouquin rudement bien mené sur l'histoire de la connaissance de l'homme, genre paléonto, créationnisme et associé. C'est un livre de vulgarisation scientifique dans le genre Les découvreurs chez Bouquins ; c'est aussi une belle réflexion de fond sur les préjugés des sciences qui passent. Je ne sais pas pourquoi, ça me fait irrésistiblement penser aux thèses de la pensée sauvage de Lévi-Strauss. Selon ce dernier, les pensées des peuples dits primitifs n'étaient en rien moins rationnelles, voire scientifiques dans leurs visées que nos théories les plus contemporaines. Le dédain que l'on porte aux paradigmes anciens, comme le géocentrisme ou les totems, nous font trop souvent oublier que ces concepts ont fort bien joué leur rôle pendant des siècles : donner une cohérence aux phénomènes physiques et autres.



Je viens de finir par ailleurs Coule la Seine de Vargas, qui s'est révélé une immense déception, ou plutôt un banal recueil de nouvelles, ainsi que Le médecin de Tolède, un grand beau livre écrit par un total inconnu - pour moi - dénommé Matt Cohen. La jaquette de Phébus prétend qu'il est l'un des meileurs romanciers canadiens de notre époque, quoique un peu mort depuis 1998 : ça me parait fort possible. Le livre raconte la vie ahurissante d'un médecin juif à la fin du XIVème siècle, passant du ghetto de Tolède, ravagé par la très-sainte Inquisition à la belle Montpellier, centre érudit où frissonnent déjà les premiers bourgeons de l'humanisme à venir, avant de s'achever sur une touche douce-amère à Kiev, au coeur de l'hiver. L'époque est violente, la chrétienté écartelée entre deux papes. La trame déchire ces folles années en tableaux bleus et sang, tranchant sèchement des carrés dans une étoffe de soie. Et puis surtout, le style est là.

Pour la suite, ce sera Vercors, dont je rêvais de parcourir les recueils publiés sous l'occupation depuis bien longtemps et sans doute un vieux Mankell - mon écrivain noir du moment. Je vous tiendrais au courant.

Pour finir avec nonchalance, quoi de mieux que gigoter en miaulant "Bu-lu-lup" sur un air de ska? On trouve ça chez Trojan.

mercredi, octobre 04, 2006

L'oeuvre totalisante - Le Poulpe - 2



Croisé Didier Daeninckx le week-end dernier à Marseille, au festival du polar. Devant lui, quelques livres à dédicacer : Cannibales, Zapping, divers. Sur la pile, une pile de titres du Poulpe avec, au dos de la jaquette, le prix en francs. Curieux bonhomme, Daeninckx, d'ailleurs. Il existe une belle polémique autour de ses attaques contre quelques écrivains qu'il accuse d'être négationnistes. Réponse. Pamphlet. Au menu, la bête immonde vautrée sous un roman noir.

En toile de fond, le Poulpe, Gabriel Lecouvreur pour les intimes. C'est un héros sans hauteur - fidèle à la tradition réaliste de gauche du roman noir français. Le poulpe sort du quotidien le bref temps d'un coup d'oeil, puis rapidement y retourne marauder en silence. C'est des histoires de bistrots, de faits divers mal éclaircis, de pègre locale et de fondus néo-fachos mis en déroute, pour l'essentiel. Il y a des nanas, aussi ; une par bouquin, en sus d'une régulière. Au final, la série a produits d'excellents bouquins de gare, qu'il vaut probablement mieux parcourir avant 35 ans, 40 à la rigueur.



C'est aussi un héros sans auteur - chaque titre étant écrite par une personne différente. C'est là que ça se complique un peu. La liste des titres et auteurs laisse d'ailleurs perplexe. On y croise un auteur de P.O.L. (Winckler) ou Romain Goupil à côté de quasi-anonymes et des grands bouquins (La petite écuyère a cafté, le premier de la série, est un chef d'oeuvre) auprès de franches platitudes. Le souhait des fondateurs de la série était de recréer une littérature populaire, à la manière des pulps américains ou des séries noires des années 60. L'idée fut de constituer ainsi une oeuvre ouverte, reposant sur des codes assurant la cohérence de l'ensemble - une idée libertaire en fait, bien dans l'esprit du milieu.

Les familiers se retrouvent d'un livre à l'autre, les marottes du Poulpe aussi - lecture du Parisien, Poliarkov en banlieue, coiffeuse en rose. La démarche se rapproche plus de l'atelier d'écriture que du parcours en solitaire. Le poulpe est d'abord une mise en commun, tant idéologique que littéraire : un machin à mille mains. Les volumes se sont succédés durant une décennie environ, avant de plier avec les éditions Baleine face au succès. Ils sont réédités chez Librio à 2€, pour certains. Perso, je préfère les formats originaux, plus petits, autre police - plus proches en fait des Que sais-je?, une autre collection pour tout le monde.

Au fait, ils en ont fait un film éponyme, avec Darroussin dans le rôle-titre. L'atmosphère, la photo surtout, léchée au possible, correspond en tout point à l'esprit de la série. Il y a des BD aussi, plus quelconques. A fouiller.

Au fait, ce post est dédié à Ulrich Stakov pour sa patience. Merci à toi, camarade.



Côté ambiance, je vous refile dans le caddie un Ferré période déclamée, dont je vous avais causé par . Vous le retrouverezen plus grand ici, c'est étourdissant, si l'on prend enfin une seconde pour s'étourdir. Attention, ça dépote.