jeudi, juin 30, 2005

De l'épaisseur en littérature - Pennac

J'ai découvert assez récemment que Pennac avait fait une pièce de théâtre avec la famille Malaussène - enfin, Benjamin, plus précisément. Nouvelles, romans, téléfilm... le clan aura été décliné de toutes les couleurs. (Il manque la poésie, mais ça doit être REELLEMENT inadéquat). Dans les couleurs en question, on trouve de tout : du fadasse, du génial, du cliché et de l'absolu... Je vous fais un petit inventaire.

Le cycle a commencé dans la série noire avec "Au Bonheur des ogres". Le climat est d'ailleurs assez reconnaissable : fantaisie, travail sur l'argot, humour noir, et donc point de vue décalé sur les assassinats divers et variés. C'est probablement le plus noir de la série et l'un des meilleurs. Les Malaussène ont ensuite intégré la blanche de Gallimard avec deux très bons bouquins ("La Fée carabine" et "La Petite Marchande de Prose").

Après ça tombe. Comme dans tous les cycles, Pennac a intégré depuis le départ des références récurrentes (description type d'une personne, parallèle décès/naissance). De rigolote, la manie devient pesante. On sent la fatigue dans l'intrigue, le souci de refaire "comme".
En outre, l'écriture flanche. "Monsieur Malaussène", le quatrième est un énorme pavé indigeste (cinquante pages sur des caricatures médiocres d'avocats, par exemple...). C'est le pic. Après ce trop-plein, Pennac nous met à la diète et commence à raccourcir ses livres, jusqu'à la nouvelle, jusqu'à la pièce (qui me parait une simple resucée d'aventures déjà narrées). Il tranche ses récits à coups d'ellipse et de monologue (l'ellipse, la maladie littéraire du XXeme siècle).

C'est fini, c'est foutu. Mon sentiment est que l'auteur ne peut plus voir ses zigues en peinture et force les retrouvailles pour des histoires de sous. Par exemple, il commet deux nouvelles de commande pour le journal Le Monde. 35 pages pour dégoiser le grand mystère (plus de 10 ans déjà) du Petit et ses lunettes rondes.. une honte. Vous imaginez Rowling nous refiler la jeunesse de Voldemort en supplément été? Si ça se trouve, c'est oedipien : Pennac tue la famille entière dans la médiocrité pour retrouver inconsciemment son autonomie d'auteur et ce, précisément PARCE QUE la figure du père omnipotent (c'est-à-dire du héros infaillible) est absente chez les Malaussènes !! ...Ce qui nous amène très loin.

En terme de cycle, Harry Potter est d'ailleurs une sorte de contre-exemple parfait : l'équilibre persiste, et mieux encore, le récit se fait de plus en plus noir, se durcissant avec les personnages qui rentrent dans l'adolescence. Signe de l'évolution persistante, les bouquins continuent encore à grossir (ce qui ne marche toutefois QUE pour les cycles, hein)

Il y a une petite astuce qui joue. Un bonhomme comme Maupassant était un spécialiste du récit court - lui-même le reconnaissait d'ailleurs. Un auteur contemporain comme Van Cauwelaert porte d'ailleurs ce type de pathologie : ses derniers livres peinent à atteindre la centaine de page. Il en vient à tripatouiller comme un écolier la taille de la typographie pour remplir plus vite. très curieux. Remarquez, il a fait auparavant un chef d'oeuvre (Corps étranger).

Van Cauwelaert est lui-même assez proche du concept de cycle, car tous ses romans ont la même trame (le sait-il seulement?). Une personne, avec un profil assez décalé, croise un autre profil également décalé et le roman raconte en fait l'évolution que chacun connait après cette rencontre. Les romans de Cauwelaert durent donc en général le temps d'une rencontre, soit effectivement 100 pages. Peu ou pas de surprise, mais une écriture assez bien tournée.

A propos de rencontre et de livre court, lisez "Harold et Maud" - l'autre meilleur livre qu'aurait pu écrire Cauwelaert !!

je vous parlerai de lapins et de philosophes, prochainement.

mercredi, juin 29, 2005

Alors Léo?

J'ai rencontré il y a quelques années le fils Ferré sur un forum de la fnac. Il venait présenter ses rééditions de l'oeuvre du père, avec "la mémoire et la mer". J'étais venu accompagné d'un ami - la petite salle était pleine. Après le blabla traditionnel, le fils s'est lâché, nous expliquant à quel point son père avait été maltraité par les maisons de disque et notamment Barclay.

La salle a suivi et la discussion a vite viré à la thérapie collective : chacun essayait de dire à quel point Léo Ferré l'avait touché, lui personnellement, lui tout seul dans la grande foule. Il y en a qui se sont mis à pleurer ; d'autres à causer révolution. Un gars s'est mis à expliquer que Léo était son meilleur ami et qu'il ne se consolait pas de sa disparition. Bref, c'était une catharsis à plein rendement : j'ai rarement vu le souvenir d'un mec transporter à ce point un auditoire (il y a bien l'église, mais c'est autre chose).

Ferré a eu trois vies musicales : il a commençé Saint-Germain des Prés (accordéon, chanson réaliste, tout le toutim...), il a enchainé Barclay (sa période la plus connue, la plus accessible sans doute : les chansons "Avec le temps", "c'est extra" ou "les anarchistes", l'album Baudelaire en promo à Carrouf' avec l'album Rimbaud) et il a fini avec un mélange hallucinant de musique classique et de textes déclamés (selon moi, la MEILLEURE période). Des albums comme "La frime" ou "La Violence et l'ennui" flinguent tout ce qui bouge dans le carré des rebelles.

Ce type a refilé en douce son empreinte à tous les chanteurs, disons "à texte", des années 60, 70, 80. L'empreinte semblait perdue aujourd'hui, jusqu'à cet album de reprises sorti il y a deux ans environ (avec au générique Fontaine, Dominique A, Dyonisos..). Lavilliers, Thiefaine le reprennent de temps à autre (mais bon, Thiefaine n'existe plus vraiment)... Même Goldman qui lui place quelques allusions sybillines d'une chanson à l'autre !

Histoire de vous lancer, j'avais prévu un chef d'oeuvre (Les amants tristes) et ça a foiré lamentablement niveau lien. Bon, bon, bon... on dira que je débute. Procurez-vous quand même l'album nommé "L'Espoir", il est royal.
Par défaut je vous refile un site très bien foutu sur le bonhomme et une version.. disons inhabituelle des anarchistes : ça fera collector.

Antony fait des siennes

L'interet des audio-blog, c'est que l'on peut y découvrir des trucs qui ne passeront jamais à la radio, ni peut-être même chez vos amis :)

Les mp3 ont toujours une gueule minable : ils portent des pseudos pour filtrer à travers google, tout plein de %, de barettes et d'abrévs. Quand on les croise sur une directory, ils se la jouent anonymes, souvent réduits à un titre déconstruit ou à un nom de chanteur suivi d'un numéro. ça fait tôle. ça fait comptable. Suffit de voir un tableau de téléchargement : c'est poignant.

Heureusement quelques zozos se sont décidés à leur gratter des cartes d'identités - biftons en forme de jaquettes, de chroniques, tout ça. Tout y passe. C'est parfois bien foutu. ON A MEME DES FOIS ENVIE D'ECOUTER. Ne serait-ce que pour médire ou pour vérifier que la voix correspond bien à la photo du folk guitariste péruvien. J'en ai capté des centaines merdiques, une bonne cinquantaine qui généralement ne méritait qu'une ou deux écoutes... ( vous connaissez la progression de Desproges à propos des amis : les gens qu'on connait, les gens qu'on aime bien, etc...).
... Et enfin, il y a les révélations. Genre Kid Dakota et ses harmonies ahurissantes ou Antony & the johnsons. Pour ce dernier, mon déclencheur a été cet article de la blogothèque.

Je vous confie ce morceau (river of sorrow) comme on se refile un souvenir d'enfance. Vous m'en direz des nouvelles. Quand à l'album, on peut le trouver . Investissez : ça vaut le coup à mort - en tout cas pour le musicos.

A quoi sert un blog?

A causer, critiquer, construire, casser du mot, quoi.
Le blog est une musique moderne. Le genre que l'on ne cerne qu'à la septième écoute : du baratin dépliable, avec du sable dans les rainures.. une manière de boulet, si ça se trouve, que l'on traîne comme un reste de vie, comme une ombre, un truc fripé et où l'on ne finit par écrire que pour écrire. Je verrai, je vous dirai.

Naturellement j'ai perso quelques modèles, bien sûr, que je vous conseille de vite visiter : Madore, Feldman, Le père Gonzo, etc... Vous ferez votre marché. En général, ils ont un certain talent pour écrire (c'est la moindre des choses, non?) et puis de la variété dans la conversation. Hommage leur soit rendu ;)

Pour ma part, je commence ce soir par un petit mp3 du grand obusier de la langue française, Guillaume de son prénom. Je me suis pris de passion il y a quelques temps pour les textes lus, les conférences, tout le spectre "France culture" et baratin. Parmi ceux-ci, les cours de Deleuze et la lecture de leurs propres poèmes par Apollinaire (qui les lit pourtant aussi mal que possible) ou Valery portent pour moi une émotion terrible, comme une sorte de magie : un son échappé du temps passé.
Je vous balance ce soir la lecture du poème "Marie"d'Apollinaire. On trouve sur le site en question un récit génial d'un spectateur de l'enregistrement, qui nous confie combien le poète lui-même fut troublé en entendant pour la première fois sa voix "extérieure" - par opposition à cette curieuse tonalité que nous nous connaissons intimement.

Je me suis souvent posé des questions sur l'origine de cette voix intérieure, d'ailleurs : Est-ce qu'elle ne serait pas la même chez tout le monde? Quelle est sa nature? Et d'où vient le décalage avec le timbre oral? Ce qui nous amène à Saussure. Tout plein de trucs quoi.

Bon ben ça fait une intro ça, mine de rien.