samedi, janvier 28, 2006

Punk is dead



J'ai passé une bonne partie de ma jeunesse à tenter fébrilement de ne pas penser comme tout le monde (je n'ai pas trop réussi, mais j'ai quand même essayé longtemps).

Ce curieux principe avait des origines multiples : lectures brouillonnes, chansons punk, sottise alentours... Je vivais ma vie sans moi, l'esprit ailleurs. J'enfilais de la biographie comme on prend le métro, me laissant tirer de station en station, sans vraiment compter les arrêts, le nez plongé dans un bouquin. Reprenant pied parfois, je ne prenais garde alors qu'à refuser, à "penser contre" et ce, contre quoi que ce soit. Le punk était ainsi pour moi une posture, tout comme la volonté : c'était le refus, ou plutôt la transgression. Le refus de tout.



Je ne suis plus vraiment punk aujourd'hui. Les quelques derniers que je croise encore dans les rues m'exaspèrent même, depuis que j'ai remarqué n'en rencontrer désormais dans le sud QUE dans les villes riches, comme Montpellier ou Aix. Marseille est par exemple singulièrement pauvre en keupons - sinon le quartier de la Plaine, mais ce n'est plus vraiment Marseille déjà. L'attitude punk me parait aujourd'hui stérile, presque complaisante, comme une colère inutile par essence. Le rock est une valeur de droite, après tout. En bref, faut trouver autre chose.

Pour moi, il me reste l'esprit volatil et le goût du refus, mais je ne supporte plus les convictions dégagées ou les retraits de la vie politique. 2002 aurait du balancer un électrochoc dans la vie politique du pays, genre engagement de chacun : c'est le contraire qui s'est produit, c'est-à-dire l'apparition d'un mélange d'individualisme méfiant et de crainte passive devant les forces politiques en présence. Déjà une résolution molle se fait jour : il y aura forcément au second tour un candidat de la droite dure, seul apte à tenir un discours cohérent sur la sécurité, pardon l'insécurité du pays !! D'autres suivront. Gageons-le, ce sera bientôt le retour de la bonne et juste pensée - celle que l'on attend de nous en haut lieu pour lutter contre le frontalement national, les importations chinoises et les tsunamis. A ne pas confondre toutefois avec la pensée unique vilipendée par notre ministre de l'intérieur.



Le refus pousse sur la norme comme une fleur sur du fumier. La révolte reviendra : il suffit de pousser encore un petit peu la porte, juste un petit peu, comme disait Léo. En attendant, sur les gonds, c'est nous.

Du punk old school, il restera toujours l'héritage, remarquez... les vieilles lunes d'une rage passée. Je vous recase ce soir, histoire de, quelques belles tentatives façon 1980 au menu. En entrée, Master of Ceremony, Gogol face à son public, suivi du Léo des VRP et Pololop des Ludwig von. Cela rappellera leurs belles années à certains. Ceci en éveillera peut-être quelques autres ?

A propos, si vous êtes tentés de votre côté par un coup d'oeil sur le petit monde de la rue - la vraie rue, celle des clodos et de la misère, tapez du côté des Naufragés de Declerck, un livre immense. Attention, c'est brut de décoffrage.

lundi, janvier 23, 2006

Bruxelles, Barbara et vrac



Petit reste d'une virée à Bruxelles.

La plupart des chansons de Brel prennent une densité, une lucidité inattendue quand on fréquente un peu attentivement les rues de Bruxelles. Ses bourgeois se cachent toujours derrière les portes de belles auberges, cernés de boiseries et de tableaux de petits maîtres. Les paumés du petit matin remontent à 5h la Toison d'Or en griffant les murs, tandis que Jeff et son poteau dorment saoûls sur le quai de la station Louise. Les prolos 2006 se serrent dans le tramway jaune et bleu, la vie moderne reprend son cours pour une nouvelle journée. C'est le Tango funèbre. Mine de rien.

Rebelote. J'ai déjà passé pas mal de temps à chercher des vieux restes de la période "chanteurs à textes", qui s'étire entre 1950 et 1965. Planquée sur des disques noirs. Vautrée sous une pile de vieux bouquins. Je me suis ainsi constitué un petit folklore à moi, des cafés-concert de Montmartre aux caves enfumées à la Brassens. Indices de rien, réservés aux initiés... La photo noir et blanc d'une amie qui se marre en compagnie de Colpi et Picasso. Le plaisir de recroiser le piano de l'Ecluse en question, sur lequel tapotèrent tout autant Barbara, Ferré ou le Gainsbarre jeune (lequel piano dort anonyme sous les annuaires au bistrot Le Vert anglais à Montpellier, si ça vous chauffe).



Bruxelles, c'était cette fois l'occasion de chercher sur Ixelles et quelques alentours les traces de la belle dame en noir, qui y avait ouvert il y a 50 ans une petite salle, sans grand succès par ailleurs. Barbara, c'était d'abord une écriture exceptionnelle, féminine en diable. La beauté de ses textes reste aujourd'hui intacte et c'est toujours une vraie baffe de les redécouvrir. Pour les thèmes, on y rencontre en priorité la nostalgie, ainsi que le bel amour (jamais mièvre, jamais plat, jamais déteint) ou la difficulté de vivre. Que des choses humaines, quoi.

Elle greffait sur le baratin une voix longtemps magnifique, qu'elle a cependant perdue peu à peu (sans doute l'un des drames majeurs de sa vie) et ses derniers albums ne laissent guère pressentir le timbre cristallin qu'elle connaissait à vingt ans. La félicité des premiers albums n'est d'ailleurs guère plus approchée aujourd'hui que par une Juliette en verve.

Je vous confie un chef d'oeuvre, qui s'appelle Drouot. On peut le trouver et ça s'écoute la nuit. Suite du voyage la prochaine fois.

mercredi, janvier 11, 2006

Les chiens



Les chiens se battent sur Berlin, à Paris, dans la rue.

C'est un chômeur qui se vend à genoux parmi les rayons de Carrefour. C'est un demandeur d'asile qui redormira ce soir avec les clodos de la Madrague, à Marseille-la-peine. C'est la table en bois doré du Vietnam sur laquelle on fera la meilleure marge - taxes comprises. Cinquante tonnes de choux-fleurs devant la préfecture, comme une chiure sur la cravate, comme un trois minutes au 13 heures. Famine au Niger. C'est la forteresse Europe qui lève ses murs.

Un vieux président qui souffre dans le poste ; un vieux président qui souffle dans le poste. La censure dort sous les vracs d'oeillets. La télé roupille, vaguement réveillée par les hurlements des meutes de loups dans les trains... Il y a Ségolène qui passe devant François. Il y a Sarko qui repasse. Il y a un extrait du passage de Raffarin chez Drucker, daté de 10 ou 15 ans, plus encore, pompidolien en diable. La France dort. Il y a Maigret sur la 2. Dans la rue, les chiens.

2006 s'annonce sourire. 2006 se chante sur TF1. 2006 s'annonce hypocrite.

Heureusement qu'il y a Blog Pop qui gratte et Tino qui chante.