lundi, mai 22, 2006

Shadows on the valley



Sensation de néant...

Je viens de finir sur le tard une série noire époustouflante. Jugez un peu : auteur pas connu - Kirk Mitchell ; titre impossible - Dans la vallée de l'ombre de la mort, le genre de truc fait pour être prononcé en anglais, cinq minutes durant ; 520 pages au compteur - un phénomène rarissime dans la collection, genre les Racines du mal de Dantec... Un OVNI, quoi.

C'est une histoire de médecin juif pendant la guerre de Sécession. Il oeuvre côté fédérés, c'est-à-dire bleus, qu'il ne faut pas confondre avec les confédérés, grisonnants, brunâtres, finissants. On est en 1864, presqu'à la fin du conflit. Sheridan dirige d'une main de fer les armées du nord, pratiquant au besoin la politique de la terre brûlée pour affamer ses adversaires. les populations civiles écopent un peu au passage - ce qui n'est vraiment pas grave, vu qu'on est déjà en Virginie.



Sur le moment, les mouvements religieux antimilitaristes sont assez malvenus. Plusieurs femmes appartenant à l'une de ces communautés (les Dunkers) se font justement zigouiller près des lieux des combats. Le médecin se met à la recherche du tueur, bousculant à droite à gauche les convictions des uns ou les projets politiques de l'autre... L'intrigue est en fait assez secondaire. Le vrai enjeu, le coeur du bouquin, c'est la guerre. Colline de verts paturages, affrontements, civières, décompte.

J'avais déjà abordé ici le sujet, c'est un peu ma sombre marotte. Premier constat, cette fois : les récits faits par des médecins n'oubliant pas au fil de l'histoire qu'ils sont médecins sont généralement au-dessus du lot (je vous causerai d'ailleurs prochainement de Nécropolis ou du très poulpesque Touche pas à mes deux seins ; vous verrez, ça vaut le détour). Ici le champ de bataille est conté par le bout du stéthoscope. Les blessés convulsent. La dysentrie fait des ravages dans l'hosto de campagne parce que les latrines sont près de la source d'eau potable. On devient un spécialiste de la triste balle Minier et des boites à mitraille. Effrayant.



Second constat : le bouquin a suffisamment de grâce pour nous faire oublier qu'il se déroule au coeur du vieux sud, cette atmosphère poisseuse et tiède, tant de fois décrite qu'elle en vient à étouffer le lecteur. Faulkner, Caldwell, me direz-vous. Ben, justement. Z'ont inspiré trop de lecteurs. Ce polar-là a au moins l'avantage d'y aller à la douce sur le pittoresque. Trois mots sur l'accent des pékins locaux. Custer tout blond et rose, qui s'avale trois oignons crus sur le pouce. Les champs incendiés à perte de vue, éclairant la nuit comme une colonne funèbre.

Je suis passé maintenant à Mankell (depuis le temps que j'en entends causer...). Je vous en toucherai un mot prochainement, ainsi que du sacre de Charlemagne et de l'amputation chez Descartes.



Je vous laisse sur 3mn17 de bonheur : les feuilles mortes, chantées par Yves Montand au sommet. Vous pouvez trouver ce morceau dans cet album, qui contient au moins cinq autres authentiques chefs d'oeuvre - Barbara, le cireur, etc. Allez-y voir et dites que vous venez de ma part.

dimanche, mai 21, 2006

l'eurovision c'est ringard



un petit mail d'un fidèle camarade, retranscrit tel quel :

Les grands vainqueurs de l'Eurovision cette année, ce sont les finlandais... ...avec un groupe de heavy-metal monster (un courant nouveau, inconnu sous nos latitudes) : Lordi !

Comme quoi, les temps changent...
O tempora, o mores !

Vous croyez que Pascal Sevran les invitera à son emission ???

L'Eurovision, c'est . Le site du groupe, c'est ici.

Merci Lone Wolf

mercredi, mai 10, 2006

Afficher rouge

Achevé Gallimard et relu cette nuit Maus de Spigelmann. Je suis en train de me réembarquer dans une période noire de l'histoire, façon 33-45. Ce doit être l'époque qui me questionne sur mes valeurs.

Je vous balance l'affiche rouge d'Aragon. Vous trouverez un très chouette commentaire sur le sujet côté Hérodote et pi par ici - une page dédiée contenant la version mise en musique par Ferré. L'album en lui-même est incontournable - je précise qu'il parle aussi d'autre chose...



Vous n'aviez demandé ni gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant


lundi, mai 08, 2006

Les éditeurs, la vraie foi et le Tigre



Ces temps-ci, je relis la biographie de Gaston Gallimard par Assouline. J'en suis arrivé à la période de l'occupation. Curieux bonhomme. Gallimard avait toujours recruté deci-delà pour sa NRF des écrivains de toutes les confessions - ce dont il se foutait lui-même probablement. Au catalogue, ça lui donnait au final Drieu, Aragon et Proust dans un mouchoir de poche. Il avait bien participé dans l'entre-deux guerre à la tenue de la Revue juive (Albert Cohen, Berl, etc), mais bon : il avait aussi créé des revues sur le cinéma et la musique classique !
Et donc, la guerre. Suivie de l'occupation.

Grasset mène la corbeille et rentre à Paris, les autres éditeurs suivent. Parait la liste Otto, les fameux indésirables : allemands expatriés, juifs et autres mauvais français. Le problème central des éditeurs, ce n'est cependant pas tant épurer les catalogues que trouver du papelard en ramettes. On gomme les parutions malheureuses d'avant-guerre, tout en mettant en avant les quelques oeuvres pro-allemandes. Les grandes maisons traduisent Goethe et Jünger à tour de bras : l'Allemagne sous son meilleur jour. Certains - rares - écrivains renoncent à publier (Guehenno), d'autres s'exilent (Breton) ou se font discrets (Crémieux). La plupart ne freinent guère. Guitry, Sartre ou Pagnol remplissent les théâtres. L'Intelligentsia collabo visite Berlin.



Gaston mène sa barque tant bien que mal. Drieu fait caution à la tête de la NRF ; Paulhan trafique le relationnel dans un placard, glissant à la résistance. Marcel Aymé fait de belles choses. La plupart du temps, les bouquins parlent d'autre chose. Au mieux, on trafique dans le sibyllin, avant de basculer dans le clandestin et l'anonymat. Petite gradation de l'engagement en 1943. Gallimard ne vit pas trop mal. Marius Grout ramasse le Goncourt avec le Passage de l'homme - que plus personne ne trouve plus nulle part. La guerre a basculé côté anglais. Et j'en suis là de mon bouquin. Le style Assouline est assez reconnaissable : on y rencontre beaucoup de disgressions (c'était flagrant dans son Hergé ou son Simenon), ça tombe souvent dans le narratif - on reste loin de l'essai. Deux notes par page, en moyenne ; c'est beaucoup pour un roman, c'est peu pour une bio érudite. Et puis surtout, il a le don du casting.

Rien à voir, maintenant, sinon un vague rappel du dernier post : Me myself and the music s'est fait incendier par un furieux du jugement, prétendant au choix littéraire dans un langage fleuri. Ce brave homme lui reproche en effet de demeurer par trop tiède dans sa condamnation des salauds qui peuplent les allées de la littérature. Pire, il l'accuse ouvertement de les soutenir implicitement, à la manière d'un amoraliste de salon prenant pose. Pour faire bref : on a le choix, à condition d'être nécessairement contre. C'est vrai que la biographie de l'auteur est souvent un fardeau pour l'oeuvre. On sait désormais qu'il est indigne de s'en dispenser. Et si Homère était un serial killer ? Ben vous avez droit de le lire jusqu'à ce que cela remonte à nos oreilles. Après, plus.



Même sucette. Dans le Libé de ce matin j'ai appris que madame Boutin avait participé à une rencontre de l'UOIF, avec laquelle elle confie partager certaines valeurs : respect de la famille, des symboles religieux, etc... La brave femme ! Une leçon de partage, d'échange et peut-être même de démocratie. Seule nuance : z'aiment pas trop les PD, que je crois me souvenir. Ne le précisent guère : c'est sans doute convenu entre eux. Tacite, comme on dit. Sacré Boutin.

Un petit chapeau à M'sieur Attali, qui balance un beau billet, dans l'Express, sur l'époque incertaine : Quand Philippe de Villiers clame que l'islam est incompatible avec la démocratie, il a raison. Mais il oublie de dire que, en fait, le judaïsme et le christianisme le sont aussi, comme toute autre religion ou philosophie qui prétendrait imposer sa Loi au-dessus des lois. C'est développé sur place. Jetez-y un oeil pour voir.

Du coup, je vous balance un chouette morceau façon private joke : Le Tigre et son Deceptacon, que vous pourrez retrouver ici.