mardi, février 28, 2006

Chipotage et Fontaine



A la demande générale - n'en jetez plus ! - je vous refile une 'tite adresse avec quelques reprises contenant de vrais bouts de Léo. On trouve parmi celles-ci miette d'Âme te souvient-il ? dont je vous ai précédemment causé, la version de Fontaine. Perso je préfère et de loin les reprises de La solitude ou Thank You Satan. Il n'y a pas que de l'or dans la fontaine. Mais bon les goûts et les couleurs...

Les reprises dont je vous file des morceaux viennent toutes de l'album "Avec Léo", qui reste tout de même de très bonne facture - avec un équilibre rare entre les compositions et artistes choisis. En fait, une très bonne surprise, dont je vous avais déjà parlé ici. L'album en question se trouve en vente sur la page dont sont tirés les extraits. Bon investissement. Dure longtemps.

jeudi, février 23, 2006

Verlaine



ÂME, TE SOUVIENT-IL?


Âme, te souvient-il, au fond du paradis,
De le gare d'Auteuil et des trains de jadis
T'amenant chaque jour, venus de la Chapelle?
Jadis déjà! Combien pourtant je me rappelle

Après les premiers mots de bonjour et d'accueil,
Mon vieux bras dans le tien, nous quittions cet Auteuil
Et, sous les arbres pleins d'une gente musique,
Notre entretien était souvent métaphysique.

Ô tes forts arguments, ta foi du charbonnier!
Non sans quelque tendance, ô si franche! à nier,
Mais si vite quittée au premier pas du doute!
Et puis nous rentrions, plus que lents, par la route
Un peu des écoliers, chez moi, chez nous plutôt,
Y déjeuner de rien, fumailler vite et tôt,
Et dépêcher longtemps une vague besogne.

Mon pauvre enfant, ta voix dans le bois de Boulogne!

La musique autour des bûchers



Ce n'est pas pour me vanter, mais je viens de relire "Le Trajet d'une rivière" d'Anne Cuneo. Nom de Dieu de bordel de moine, que c'est beau ! Le récit est une manière de biographie, partant de rares faits réels et allant à la reconstitution d'une belle vie tout entière. Et ça tue.

Le bouquin débute en Angleterre au XVIème siècle, dans le contexte des guerres de religion et de la contre-réforme. Nous sommes souvent familiers des persécutions dont furent victimes les protestants sur le continent ; les mêmes intolérances visèrent cependant outre-Manche les catholiques anglais. On enferme, on déporte, on crame à l'occasion. L'Espagne catholique lutte pour les Flandres. L'invincible Armada tend ses voiles. Henri IV tient la France, passant d'une religion à l'autre. Voilà pour la peinture de fond.



Parce que catholique, le héros du récit, Sir Francis Tregian, se retrouve ainsi pris malgré lui dans ce gigantesque bras de fer, dès l'enfance et durant toute sa vie. Drôle de bonhomme, Tregian. Musicien supposé, il compila des partitions aux quatre coins de l'Europe, sans que l'on sache trop pourquoi. Cuneo le dépeint virtuose, rencontrant Byrd, Monteverde ou encore Morley et passant la nuit avec eux à chanter et tripoter la Muse : le rendu est magnifique, donnant envie de se jeter dans leurs oeuvres respectives pour redécouvrir le souffle de l'époque. La façon dont M'dame Cuneo cause Musique ne porte pas une seconde son 1550, restant toujours actuelle en diable, vivante à plein-pied, de première fraîcheur, quoi.

Le zigue se retrouve courant l'Europe, changeant trois fois de nom, marchand à Amsterdam, musicien à Rome, nobliau dans les Cornouailles. L'époque est dure, parfois prise de coup de sang. Monter du Vatican à Paris prend alors trois semaines. La Franche-Comté est affamée, de même que le tiers de l'Europe. La peste renaît. Amsterdam vend ses étoffes, ses armes et ses bateaux à tous. Tregian passe au milieu de la grande Histoire, perdant des plumes, des amis, des amours. Seule reste la musique. Et la fuite.

A lire absolument.



La compilation de Tregian a eu sa petite postérité, permettant notamment de remettre à jour la richesse et la variété du pré-baroque et baroque anglais, etc. On l'appelle le Fitzwilliam Virginal Book, du nom de la famille du dernier proprio. Ressemble à ça.
Un choix de ses morceaux a récemment été sorti en CD, suite au livre de Cunéo. Une chouette critique en a été faite . Je vous propose un titre de Byrd qui figure dessus. Achetez l'album, il est réellement génial.

lundi, février 20, 2006

Sherlock et Nashville



Aujourd'hui, le grand service : un dessin de moi (M'sieur Blogpop m'a filé l'envie par la petite porte), le bouquin d'un autre (Les Histoires secrètes de Sherlock Holmes par Reouven, dont j'ai relevé la référence dans les papiers du sieur Feldman) et enfin une reprise d'ACDC par les Nashville Pussy.
On s'installe. On respire.

Pendant longtemps j'ai été fasciné par les suites, les reprises, les pastiches en tout genre. Cyrano de Bergerac baratinant D'Artagnan sur le pas de l'Hôtel de Bourgogne me paraissait relever de la sorcellerie pure et simple. La rencontre entre Descartes et Pascal dans la pièce de Brisville était un miracle estampillé. La continuation par d'autres moyens d'une réalité littéraire était sans doute à mes yeux le signe le plus éloquent d'une existence effective des héros de papier (j'avais jadis commis une brève nouvelle sur le sujet : vous la croisez sans doute un jour sur ce blog).

Sherlock Holmes fut très probablement à ce sujet le héros récurrent le plus sollicité de toute la littérature anglo-saxonne. A cela, je vois plusieurs explications.



Tout d'abord, tout simplement, Conan Doyle, l'auteur original, a balancé lui-même au fil des aventures holmésiennes de nombreuses références à des affaires "fantômes", se déroulant parallèlement à celles qu'il traitait. Bribes allusives, porte ouverte, comme on dit en impro. C'était la chance des inspirés. Les récits que propose Réouven dans son livre sont par exemple entièrement tirés de ces quelques brindilles (genre : l'affaire du rat géant, etc...).
Un livre comme le Mandala de Sherlock Holmes (nous narrant le voyage entrepris par ce dernier jusqu'en Inde, pendant les deux années où le monde entier le crut mort - Watson y compris) trouve pareillement son inspiration dans ces petits rébus.

D'autre part, le détective se prête particulièrement bien à la reprise, de par son aspect limite archétype : un observateur génial aux déductions toujours surprenantes, bien que rigoureusement rationnelles. Doyle a créé un mythe, un truc aisément identifiable par toute lecteur, presqu'un idéal (ce qu'il a apparemment regretté toute sa vie, par ailleurs. Mais bon). De ce côté-ci, on retrouve plutôt les quelques rencontres avec notre Arsène national (notre détective étant pour l'occasion finement surnommé Herlock Sholmès) ou le film "Le Secret de la pyramide". C'est alors le caractère qui est privilégié, plutôt que la tradition holmésienne. La veine ira jusqu'à un incroyable glissement de l'invention à l'auteur dans le Nevermore de Hjotsberg, qui mettra en scène Doyle enquêtant lui-même aux côtés de Houdini dans une atmosphère très Baker street. A lire : c'est très très bien foutu.



Quitte à causer reprise, je vous abandonne ce soir avec une guitare qui brûle et un zigue comme l'enfer. S'appelle Nashville Pussy. Le morceau est (vous reconnaîtrez sans doute) et l'album en vrai ici pour 11€. Album génial.

lundi, février 13, 2006

Alatriste



Ce n'est pas pour me vanter, mais je viens de dévorer coup sur coup les trois dernières aventures du capitaine Alatriste, transcrites par le sieur Perez-Reverte. Et c'est génial.

Je connaissais surtout l'auteur pour ses polars "contemporains" de bonne tenue. L'un de ses bouquins, le Club Dumas, a d'ailleurs été adapté au cinoche par Polanski, qui en a (mal) fait un nanar fantastico-érudico-policier : La neuvième porte. L'adaptation en question est fort médiocre : la fin est modifiée, des gros plans inutiles et répétés sur l'actrice principale (Emmanuelle Seigner, expressive comme une palourde creuse) ralentissent régulièrement le fil narratif et Depp dort. Passez donc votre chemin et allez droit au livre, qui vaut son pesant de pépites.

Alatriste, c'est autre chose. Les trames se déroulent au temps de la grande Espagne : le Madrid crasseux et magnifique de 1620 avec le Gentilhomme au pourpoint jaune, encore habillé de fiers hidalgos, de moines inquisiteurs et de nénettes à mantilles et vertugandin ; les Flandres déchirées par les guerres incessantes et l'Amérique au loin pour faire bonne mesure. Les aventures du bonhomme sont contées par son valet de l'époque, parsemées de quatrains de Quevedo ou de Lope de la Véga - souvenirs rêvés d'une époque enfuie, mélange de nostalgie et de violence, d'amours traîtres et de fierté crâne.



De mon point de vue, c'est le récit sur le siège de Bréda qui reste le meilleur des trois récits. La réalité de la guerre est racontée par le menu - cruelle, absurde, simplement héroïque aussi. L'un des meilleurs bouquins que j'ai pu lire sur le sujet, batailles napoléoniennes et tranchées de 14 y compris ; un genre de leçon de sale vie, une abîme entrevue. Les descriptions des petits matins hollandais, surtout, m'ont paru ahurissantes de réalisme.



Niveau buzz, j'ai appris par ailleurs qu'un film était prévu sur le capitaine, avec Morgenstern dans le rôle. Le trailer parait prometteur. Affaire à suivre.

Pour ce soir, on va tournicoter aux alentours de l'époque. Je vous propose un morceau magnifique, l'intro de la Passion selon Saint-Jean, de Bach - que vous pourrez retrouver ici en intégrale, suivi d'
un Kyrie Gloria de Buxtehude.

mardi, février 07, 2006

Du véridique en littérature

Reprise de souffle... J'aime beaucoup le projet posé par M'sieur l'Imposture de faire inspiré, plutôt que sincère, honnête ou même transparent dans ses post. Me rappelle Gide, qui affirmait, non sans une certaine acidité, que l'on ne faisait pas de la littérature avec de bons sentiments.



La vérité est en effet régulièrement réduite à une sotte question d'opportunité ou de coïncidences, de limite aussi - considérée en fait comme le parent pauvre de la réalité. C'est le charme des dandys et des symbolistes. C'est l'apanage des naïfs. De fait, en littérature, la sincérité est une question de style et uniquement de style. Il y a un passage magnifique dans Enfance de Sarraute, où elle confie avoir pressenti dans un même élan, non seulement l'incroyable potentiel que le sujet d'une rédaction lui accordait, mais encore l'indifférence totale à la véracité du récit que la réussite même du sujet appelait. Confier ceci dans une autobiographie est charmant. Le père Rousseau doit encore s'en retourner dans ses fougères.

Il est toujours amusant à ce propos de constater que les quelques lycéens que j'ai été amené à croiser, toutes moralités confondues, ont toujours connu le même sentiment de trahison lors de la découverte de cette reconstruction du réel par l'auteur, re-création pourtant substituée à grand peine au monde quotidien. Le travail de l'écrivain, la collecte minutieuse des indices du "faire-vrai", bref la littérature dans son oeuvre leur apparait sitôt comme une mauvaiseté, un crime, un attentat ; un peu comme le labeur mal-intentionné d'un journaliste dévoyé. Quant à l'autofiction, n'en parlons pas. Notez que cela ne dure pas. La stupeur une fois passée, le pacte autobiographique entre le lecteur et l'auteur est présenté dans leurs dissertations et commentaires comme une basse ruse, au mieux la marque d'une candeur aveugle. Le genre biographique devient à leurs yeux un mensonge, comme le reste. Tout passe.



On sait depuis Socrate que les artistes ne nous racontent en général ce que nous pouvons entendre, s'arrêtant souvent pour cela aux seules apparences. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on a exigé si longtemps de l'art qu'il réponde à des codes précis, permettant de le reconnaitre effectivement comme tel et de le distinguer au passage du simulacre. Dans notre belle société médiatique, le journalisme a ceci de particulier qu'il superpose la réalité et sa retranscription. Mieux, c'est cette même transcription qui conditionnera au final notre rapport au réel. Que sais-je en réalité - par moi-même - du délabrement des pyramides, de la politique vénézuélienne ou de la grossesse d'Angelina Jolie?

Suivant ce raisonnement, le journalisme serait aujourd'hui la part invisible de l'art littéraire, visant à raconter les choses du réel tout en se substituant pour partie à elles, par opposition à la littérature dont ce ne serait en fait guère le sujet. Comme quoi les journalistes trompent mieux que les écrivains - tout ça pour ça.

Pour finir en beauté, un morceau magnifique, propre à démarrer toute journée digne de ce nom : Billie Holiday interprétant All Of me. Vous m'en direz des nouvelles.