jeudi, août 25, 2005

Les pochettes de Papa



Je viens de dégotter un site ahurissant par le biais du dénommé Pierre : LA compilation de pochettes kitch dont tout amateur de vinyl a toujours rêvé. Accrochez-vous les yeux, c'est par . (Perso, mes préférés restent sans nul doute celui-ci et celui-là.)

En cherchant un chouia, j'ai également croisé cette petite compilation, qui n'est pas sans me rappeler les innombrables compilations des années 80, toujours ornées de quelques pin-ups brushées en body fluo.



Plus qu'une négation, le Kitsch est une anomalie, la soudaine mise à distance d'un réseau de symboles convenus par la survenue d'un nouvel univers symbolique. Lors de cette rupture, l'esprit qui animait l'époque précédente n'est pas détruit : il est rendu dérisoire. C'est le ridicule qui entraîne la passation des modes, et non la disparition de leurs acteurs.

En fait, le kitsch n'existe pas en soi : c'est un regard transversal, une transition entre deux états. Il n'existe que pour nous, au travers de notre présent et de ses préjugés. Laideur, imbécillité, arrogance ou encore peur... le ridicule nous renvoie en creux à nos propres épouvantails.



Du coup, les chanteurs démodés et actrices disparues que l'on croise au fil des pages de ce site en viennent presque à nous toucher par la fragilité de leur destin. Deux pas en arrière : l'attention, voire parfois l'affection que nous portions un jour à l'une ou l'autre n'était-elle pas sincère ? Ce n'est pas avec de la pitié, mais avec de l'intérêt que l'on se les remémore et que l'on prend rapidement de leurs nouvelles. Il font partie de notre histoire, au même titre que la vieille cousine ou le dentiste, au fond. Dès lors, la méchanceté de certains commentaires paraît facile à balancer à ces nouveaux inconnus, un peu comme une condamnation trop tardive : cela la rend presque gênante à lire. Découverte du soir : le kitch est un travail de réhabilitation de la mémoire.

En écoute, ce soir, imperméable au kitsch, au temps qui passe et aux conflits internes du PS comme aux changements de pape, Kick out the Jam des MC5.

Pleins d'images



On trouve souvent une rupture flagrante dans les arts narratifs (cinéma, Bd, romans, etc...) entre le fond et la forme. En Europe, nombre de dessinateurs de BD ont ainsi une patte magnifique, qui reste condamnée à être ligotée par des histoires maison de petits bras. Les rares exceptions s'en tirent souvent avec l'aide de Pierre ou Paul - lesquels scénaristes sont de toute façon encore plus rares. Peu d'indépendance à plein rendement, au final. Pour un Hergé, pour un Franquin (qui d'ailleurs s'inspirait pas mal chez Delporte ou Jidéhem, je crois...), combien de navets parcourus, épuisés, essorés, en 15mn chrono?

Davodeau fait partie des rares rescapés bien autonomes. Son dessin tient la route (c'est vrai que ça pêche parfois par là chez certains - en aparté, on entend : Menu de l'Association! Menu de l'Association!) et ses histoires sont MA-GNI-FIQUES. Je viens de me balancer coup sur coup 3 albums et tous sont époustouflants : Chute de Vélo, Le Réflexe de survie, Ceux qui t'aiment...



C'est un raconteur, plus qu'un styliste. Il a de grands moments, notamment dans ses cases silencieuses (les "blancs" d'un dialogue, par exemple) ; mais c'est d'abord la proximité qu'il crée avec ses personnages qui épate. Il tient ses paumés, ses flics ou ses vieux avec une densité chaque fois ahurissante. La comédie de moeurs avance généralement de pair avec une histoire solide, souvent polar ou dramatique : Quelques jours avec un menteur, dont sont extraites les deux planches qui suivent, est un incontournable.




Il s'attaque à tout : milieu du foot, trafic de télévisions ou vacances de famille... Le zigue a même commis un album en forme de reportage journalistique avec notre Bové national ; ça s'appelle Rural. Ce n'est pas son meilleur opus, mais l'objet est assez surprenant, catégorie ODNI. C'est plutôt militant, ça reste très crédible, très ouvert à un néophyte ou un indifférent. A mon avis, c'était un peu le bout du chemin, la limite à trouver. Je crois qu'il est reparti depuis sur de la BD plus classique. A suivre.

Je vous refile en lien une petite interview bien foutue : vous ferez votre idée par vous-mêmes.

Côté Zic, mes Dieux du moment, moitié sympho-rock, moitié marche mortuaire : Godspeed You Black Imperor, avec le morceau "Rockets Fall on Rockets Fall", que l'on peut trouver sur l'album Yanqui U.X.O., disponible ici. C'est violent, noir, on dirait Orphée en marche.

samedi, août 20, 2005

Revue de presse Blog



C'est l'automne, les sites ressuscitent :)

Petit tour d'horizon des blogs, au retour de la plage. Du sable dans les esgourdes (ça ferait un chouette intitulé), le clavier plein de nouvelles lettres, les palmes au pieds et la démarche à l'envers. J'ai appris récemment ici que le principe des audioblogs allaient bientôt se retrouver questionné dans les pognes de la SACEM. Dépêchez-vous donc, la récolte ne durera peut-être pas très longtemps. A propos, vous connaissez La Tordue?

D'ab', les sons :

Côté occident, il y a le Père Gonzo qui ressort de la maternité avec pas mal de polichinelles dans les cagettes (plus de mots, plus de sons sous mauvaises influences, ce qui ouvre pas mal de perspectives) et la Gran-Ma (très rock, très très rock).

Un peu au sud, un peu à l'est, un peu partout, le site incontournable reste This women coil, consacré aux voix de nanas pas connues - je sais, je l'ai déjà mis à droite, mais c'est pas une raison : cela reste une directive d'utilité publique. Sinon, bien au sud, il y a ce chouette site spécialisé dans la Zic Africa. Les articles sont bien foutus - ce qui manque souvent dans le créneau et les liens brassent pas mal. Chauffe... Chauffe...

Si vous voulez fouiller par vous-mêmes, ce site exceptionnel propose en lien un quasi-annuaire de l'essentiel - nuit blanche assurée.

Second, les z'images :



A tout seigneur, tout honneur : celui dont le nom (et le lien) reviennent un peu partout, c'est Cliptip. J'ai découvert cet aprèm qu'il avait un petit frère franco de paire, nommé Superette. Tous deux balancent essentiellement dans le revival rock New-York/Londres et parfois dans l'électro. C'est tendance et ça puntche. Perso, je trouve à l'usure que ça se ressemble néanmoins parfois un peu trop ... couloir MTV, New York Dolls à droite, amplis Marshall de long... Mais bon, c'est le genre qui veut ça. Il y a des incontournés. L'histoire du rock n'est-elle pas une longue et unique resucée, parfois suffocante, d'un même lait, âpre et bien noir?

Un peu plus loin dans le placard, j'ai dégotté aussi quelques sites bien rétros - mon petit péché mignon - spécialisé dans les scopitones et les années 50/60 ici et . Cette semaine, on peut encore y capter un délicieux Nougaro de derrière les fagots. Un pote est en train de me convertir au Doo-Wop, c'est tout dire. Je vous dirais si je trouve un blog sur le sujet.



En lien cette semaine, une douceur à vous faire crever, une voix sortie de nulle part : Chet Baker et sa Funny Valentine.

lundi, août 15, 2005

Les Ordis sont des cons



J'ai toujours été intrigué par les créations aléatoires faites par des ordinateurs - l'aspect papiers-collés, limite patchwork. Le registre s'étend des parties de jeux divers, type Ages of Empire, aux blog fantômes, type celui-ci ou celui-là, compilation de mots d'appels, de pourcentages de recherche et autres conneries. Disposant de très peu de connaissances en programmation, je me dis qu'il doit y avoir une matrice, ou une sorte de moteur, à l'origine du phénomène. On lui file des infos et il se lance, comme tout le monde.

En elles-mêmes, ces créations ne sont probablement pas un mal : ça pourrait être un apport comme mille autres. Le vrai problème, en fait, c'est simplement leur manque d'originalité : malgré l'aspect aléatoire, cela reste d'abord issu d'une répétition, d'un déjà vu. C'est juste con - trop plat, trop fade. Cela rappelle la déjà vieille antienne : un programme est incapable de dire si un tableau est beau ou laid, voire même d'y reconnaitre une prétention artistique.



L'intelligence, ce n'est pas que de la combinatoire. Si l'informatique permet aujourd'hui de faire des logiciels battant un champion du monde d'échecs ou de dames, précisément par la seule combinatoire (le dernier en date porté à ma connaissance s'appelait Fritz X3D) ; certains autres jeux de réflexion résistent encore totalement à la programmation. Par exemple, le jeu de Go : vous trouverez ici, et un petit résumé de la question. Pour faire bref, disons que le meilleur programme de go correspond au niveau d'un joueur faible ou très très moyen - incapable de décider en tout cas une séquence sur le long terme. L'ordi ne sait que répéter et le go ne se répète jamais : il nécessite une adaptation - et donc une innovation - perpétuelle. Ce qui manque en réalité à la bestiole, c'est alors le sens de l'évaluation intuitive, le sens du stratégique et de la valeur.

De fait, la satisfaction qui apparait au terme d'une partie de go s'apparente à la satisfaction d'un lecture, non à la résolution d'une addition. Tentez voir sur KGS : ça rend heureux. Vous y croiserez en outre vraisemblablement un joueur médiocre et infatiguable : Gnugnubot est le jeune espoir au go de l'informatique.



Aujourd'hui, un lien un peu spécial, la lecture de l'incipit d'un livre de Kawabata, justement consacré au go : Le Maître ou le tournoi de Go. Tchao.

samedi, août 13, 2005

génération et progrès

Définir ce qui caractérise une génération a toujours été un problème complexe. En sciences humaines, on avait construit le concept opératoire de génération comme un laps de temps, une période de 25 ans - le temps d'être parent. Plus près de nous, en France, nous avons la génération 68 en mémoire, synonyme de jeunesse, ainsi que de révolte, de liberté sexuelle et de gauchisme prononcé.



En ces temps de progrès triomphant et de systématisation générale, on en vient cependant à associer chaque décennie à une génération propre : ce n'est plus la capacité de renouvellement démographique qui fait la génération, ce sont ses goûts et ses références culturelles ou politiques. Le meilleur exemple reste pour moi les chansons de Delerm, type Les filles de 1973 ont trente ans.

Quelques paradoxes apparaissent dans cette situation : nous connaissons une époque arc-boutée sur l'avenir technologique et les possibles, et cela faisait pourtant longtemps que nous n'avions connu autant de nostalgie dans l'air (presse, pots-pourris TV, retape dans la mode). Plus rigolo, les tranches d'âges qui se cotoient dans les concerts de reggae, par exemple. Les plus anciens cherchent le riff de gratte type Bob Marley (qui reliait rock et reggae), les plus jeunes kiffent au contraire les basses énaurmes (pas loin du lounge ou de certains plans techno) : les uns et les autes n'écoutent en réalité pas la même chose, sans même s'en douter. Pour le dire autrement : les références culturelles se superposent les unes sur les autres, à travers les mêmes supports. Hegel nous causerait de dialectique, posant comme certain qu'il y a une avancée effective dans chaque transformation. C'est en fait toute la question.



Deleuze avait une chouette image pour résumer tout ça : chaque volonté, chaque symbole, chaque désir forme une des trames de notre plan de réalité, un peu comme les fils d'une nappe. Lorsque deux idées se recouvrent et se donnent mutuellement une cohérence, une densité nouvelle, c'est un pli qui se forme. Le progrès, ce n'est donc pas une nouvelle nappe que l'on dresse un beau jour : c'est au contraire un redépliage permanent.

La référence d'aujourd'hui est en fait un blog, qui propose, comme son nom l'indique, de nombreuses versions de mêmes chansons à travers le temps. Et c'est pas mal :)

dimanche, août 07, 2005

Eclater un type d'Acadomia

Connaissez-vous Acadomia ?



Vous avez peut-être découvert leurs charmants encarts dans la presse, dominante vert acide, petite photo d'élève studieux : un VRAI prof à domicile, 50% de réduction d'impôts, blablabla. Et bien, derrière l'étudiant (dont les parents ont payé très cher pour le faire étudier, réduction ou pas), le prof souriant, c'est un peu moi.

L'enseignement connait ces temps-ci un purulent abcès de libéralisme. Il se manifeste à travers une idéologie simple :
1 - le savoir est un produit
2 - l'élève est un client qui achète ce produit
3 - il faut donc mettre en place une logique d'achat pour convaincre cet élève de devenir notre client, par exemple en le faisant renoncer à cette idée dépassée d'une gratuité de l'enseignement
4 - Argument de fond : ce qui a de la valeur DOIT être cher. Corrélat : ce qui est gratuit est NUL.

L'école privée a toujours tenu un certain niveau d'excellence de ses élèves, ne serait-ce qu'à travers le filtre des concours, lesquels restent similaires à ceux de l'enseignement public. Les cours privés, par contre, que ce soient Complétude, Ailite ou Acadomia, ne visent qu'à la rentabilité. Leur crédibilité reposent sur deux principes ; le premier étant que ce qui est cher est forcément bon (ça serait trop injuste sinon), le second demeurant la valeur de son professorat (disons : prestataires de services). Le chef des ventes s'appelle d'ailleurs un responsable pédagogique, pour faire comme à l'école.



L'apparition d'un phénomène nouveau, les nombreux jeunes sur-diplômés au chômage, donnent une main d'oeuvre abondante à ces boîtes, qui essaiment partout en France. Malléables, transposables, mal payés - en gros, entre un 1/3 et la moitié de ce que paye la famille... Acadomia ne contrôle de toute façon JAMAIS le teneur des cours prodigués, tout durant que la famille ne se manifeste pas. A quoi bon tenter alors de débaucher de l'éducation nationale de VRAIS profs ? Réponse : le vrai but, la finalité, ce n'est pas de donner de vrais cours. Ce que la famille paye en réalité, c'est souvent une présence, presque une tutelle complémentaire.

En bonus, aujourd'hui, 5mn de douceur et de tristesse en provenance d'Afrique : la reprise de Homeless par Ladysmith Black Mambazo. On peut choper un Best of d'elle ici et ça vaut grave le détour. Tchao.

samedi, août 06, 2005

romans post-apocalyptiques : le retour



Je viens de tomber sur une page consacrée aux "romans (post-)apocalyptiques", sur la trace de Barjavel et de son bouquin Ravage. Je vous avais touché quelques mots de ce type d'histoire il y a quelques jours ici. Le bonhomme tente lui aussi une petite biblio non exhaustive, plus axée science-fiction, toutefois. Jetez-y un oeil.

L'actualité nous porte en effet à renouer avec des angoisses qui se perdaient depuis la guerre froide : paranoia, loi martiale, faux-semblant de la normalité. L'angoisse diffuse des londoniens n'a rien à voir ainsi avec l'appréhension des guerres ouvertes : ce n'est plus tant le soldat que l'on craint que l'ennemi anonyme, le terroriste qui se cache parmi la foule en oeuvrant dans la clandestinité à la destruction totale du système. Le principe du complot redevient une silhouette familière dans notre vocabulaire symbolique.



J'ai vu récemment sur le sujet le très impressionnant film de Spielberg, La Guerre des mondes, dont Telerama estime qu'il s'agit peut-être du meilleur long-métrage du bonhomme. La noirceur du film est saisissante et le réalisateur tire le meilleur de Tom Cruise - c'est vraiment dommage par ailleurs que celui-ci fasse son possible pour se faire systématiquement associer, voire réduire à la scientologie. De son côté, Spielberg est en train de devenir quelqu'un d'autre. A suivre.

En lien, une référence hardos, le "Welcome to the jungle" des Pistolets et Roses, version clip, version zic. Le look des débuts d'Axl Rose vaut réellement le détour. Mélange de Brushing glamour façon Europe ou Van Halen, pantalon moulant méthode Anthrax, le pied de micro qui vole à la Cramps : un résumé du rock des années 80. Et puis Slash, impérial comme toujours.